Les avis de Beltaranis
Aujourd’hui, je vais parler du film Terminator : Dark Fate. Un peu beaucoup aussi de la franchise Terminator
Ce dernier film Terminator – et probablement tout dernier vu qu’il n’a pas marché commercialement- avait axé son marketing sur l’idée d’un retour aux sources, une remise à plat de la franchise. La preuve la plus manifeste était, en sus de la participation d’Arnold Swarzenneger, le grand retour de Linda Hamilton, la Sarah Connor d’origine. Le duo de base de la série revenait avec ses acteurs de base une vingtaine d’années après les deux premiers épisodes faits ensemble. Et d’ailleurs, il était promis justement de faire table rase de tout ce qui avait existé après justement ces deux derniers épisodes. Or pour beaucoup, c’est justement jusqu’au deuxième épisode que Terminator est grandiose. Une affiche alléchante pour beaucoup : le premier épisode a lancé Terminator, le deuxième a été le film le plus cher du cinéma avec ses effets spéciaux impressionnants pour l’époque. Ce qui a suivi, une suite moins convaincante (et sans Linda Hamilton), une préquelle et un bouleversement de l’histoire d’origine ont été beaucoup moins bien accueillis.
Personnellement, je suis surtout très attaché au premier épisode. Mais revenons au concept de la franchise durant trois grands paragraphes. J’en viens à Dark Fate après. Le premier Terminator a comme point de départ l’arrivée dans le Los Angeles des années 80 de deux visiteurs du futur : Un Terminator, une machine avec des tissus de peau humaine, chargé de tuer une femme, Sarah Connor, la future mère du chef de la future victorieuse résistance humaine à l’emprise future des machines, et Kyle Reese , un soldat de la résistance venu pour la protéger. Il y a de l’action, des courses poursuites mais ce film a quelque chose d’assez effrayant. Il y a la cette mise en garde sur le possible danger des machines pour l’humanité mais aussi ce tueur méthodique et inarrêtable incarné alors par Swarzenneger. Mais ce qui me fascine plus dans le film c’est son twist, l’un des très rares twist d’histoires de voyage temporel au cinéma assez populaire pour qu’on en parle sans gâcher la surprise à beaucoup de monde : Le soldat qui devait protéger Sarah meurt durant sa mission mais il se trouve être le père de John. Et puis, c’est parce que Sarah, à l’origine simple serveuse sans histoire, a vécu les événements du film qu’elle devient celle qui guidera son fils vers son rôle de leader et de sauveur.. C’est un twist temporel comme je les aime : Ça débarque par surprise alors qu’on est distrait par l’action et la terreur du film. Et puis on est typiquement dans ces moments où la notion de voyage temporel se confond avec la prophétie auto-réalisatrice. Il s’agit pour Skynet, l’entité unifiée des machines, d’une véritable tragédie grecque : C’est en agissant contre sa propre destruction qu’il crée justement ce qui va le détruire.
Malheureusement, l’équilibre et le tragique de cette boucle temporelle sont immédiatement détruits dans le film suivant. C’est pour cela que de base, je ne suis par principe pas très fan de tous les épisodes suivants, le second inclus. Ça ne m’empêche pas de le trouver excellent. Dans celui-là, Skynet décide d’envoyer un Terminator éliminer John ado qui est cette fois protégé par le même modèle de Terminator du premier volet reprogrammé par les humains. Cette suite traite intelligemment ses personnages en considérant avec sens les conséquences du premier volet : Évidemment que Sarah n’a pas été sereine toutes ces années en étant la seule à savoir que l’humanité allait se faire dominer par les machines, bien sûr qu’elle a fait en sorte que John soit prêt et bien sûr que ce dernier a mal vécu d’être ainsi considéré comme un sauveur dès sa naissance. Le film explore brillamment ces aspects, et la dynamique entre les personnages. Il y a bien sûr en plus des scènes d’actions avec ce Terminator en métal liquide capable de changer de forme qui me fascinait à l’époque. Terminator 2 exploite aussi le fait que le Terminator du film précédent a laissé ses restes dont l’exploitation a permis l’apparition de Skynet dans le futur. Il en profite pour humaniser les motivations des responsables, qui n’imaginent alors pas que cette création va leur échapper. Mais voilà, les personnages du second volet tentent ce que ceux du premier n’osaient même pas imaginer : Empêcher le soulèvement des machines et par la même occasion enterrer la jolie boucle temporelle . En effet, le premier volet suggère que tout se passe exactement comme ça s’est déjà passé, il est peu plausible que la Sarah du début du film, sans la traque du Terminator, ait pu entraîner un chef de guerre et c’est crédible que John ait sciemment caché la vérité à son ‘père’ pour que tout se répète normalement. Par contre, dans Terminator 2, les protagonistes agissent contre le réveil des machines en se servant d’informations que leurs actions vont directement rendre incorrectes. Le brisage de la ligne temporelle, c’est là qu’il commence. Car si on estime que chaque voyage dans le temps créé une ligne temporelle différente, comment on en serait arrivé aux circonstances du premier volet ? Une question qu’on n’a pas à se poser avec une un paradoxe temporel stable.
Les films qui suivent le second n’ont pas la brillance des premiers. La plupart du temps, on emprunte le schéma de deux individus qui viennent du futur dans le cadre de la guerre contre les machines. Bien sûr, celui qui vient tuer le sauveur de l’humanité est toujours technologiquement bien plus avancé qui celui qui vient le protéger, sinon ce n’est pas drôle. Il y a quelques petits autres aspects qui reviennent inlassablement mais là je m’aventurerais sur le terrain du spoiler. Il faut par contre noter que tous les volets qui suivent les deux premiers sont beaucoup plus lisses et grand public. Dans les premiers , la violence y est froide et tragique, avec plus de victimes collatérales qui avaient eu le temps d’être définis et auxquelles on avait pu un peu s’attacher. Terminator 3 suite directe (mais effacée par Dark Fate, du coup) ne fait que globalement reprendre la recette, sans relations complexes entre personnages mais avec une Terminator au féminin qui peut générer des armes à feu (à énergie même) mais choisit curieusement de ne pas s’en servir à certains moments au gré du scénario, même quand sa cible prioritaire est à quelques mètres, sans défense. Dans ce film, le futur a été modifié par les événements du second film mais la date du soulèvement des machines a juste été repoussée. En point positif, j’aime bien là où le film se termine. Terminator : Renaissance nous plonge dans le futur apocalyptique où les machines ont pris le pouvoir et font face à la Résistance humaine. Mais quand on prend un peu de recul, le monde décrit y est inconsistant : d’un coté, on a des machines impressionnantes et destructrices, de l’autre beaucoup d’humains qui n’ont pas du tout l’air inquiétés par cette menace – avant les événements du film du moins. Et puis on ne sait pas trop où on en est dans le méli-mélo temporel : de leur coté les machines connaissent l’identité du père de John Connor et le traquent. Enfin, Terminator : Genesys est là pour le coup dans une vraie tambouille temporelle où on rejoue (avec de nouveaux acteurs) le point de départ du premier Terminator avec Kyle Reese qui va aller protéger Sarah Connor, mais avec beaucoup de changements temporels : Sarah a déjà été attaquée et sauvée plus tôt dans le temps, Kyle est attaqué par un autre Terminator plus perfectionné et est alors sauvé par Sarah. Et puis il y a encore du changement temporel et un nouveau voyage dans le temps. Bref, on en est à un moment où plus rien n’a vraiment de sens. Genesys a aussi le mauvais goût de laisser certaines questions en suspens pour mieux laisser la voie à une suite. Qui n’aura pas lieu puisque Dark Fate démolit tout ça.
Terminator : Dark Fate donc fait comme pari de réinitialiser la série tout en faisant un passage de relais en se servant des personnages d’origine avec leurs acteurs d’origine. Je ne dirai pas quel est leur rôle ou la raison de leur présence dans ce film mais ils marquent une époque révolue car dans Terminator : Dark Fate , il n’est plus question de Skynet pour la seule fois de la franchise. Cette entité a été réellement vaincue dans Terminator 2
L’entité du moment s’appelle Légion, le soldat envoyé par la résistance humaine est une humaine augmentée artificiellement et le film démarre au Mexique mais c’est globalement quasiment tout ce qu’il y a de nouveau. La mission de l’humaine modifiée, nommée Grace, est d’empêcher à un Terminator d’assassiner Dani, simple employée dans une usine qui a un important rôle dans le futur et la guerre contre les machines… donc malgré la remise à plat, malgré le fait qu’il faut laisser de coté l’idée que les expériences de deux des personnages viennent d’un futur qui n’existe plus (et n‘existera jamais…) , c’est quasiment comme d’habitude. Quasiment parce que Terminator : Dark Fate reprends beaucoup d’éléments des deux premiers volets. Ici la course poursuite avec le protagoniste au volant d’un engin lourd puis un hélicoptère, là l’affrontement final dans une usine sans oublier les répliques traditionnelles de la série Je donnerai tout de même du crédit à l’action. Le film cherche à rajouter des situations plus originales comme une bataille survoltée dans un avion. Et il y a du grand spectacle, ça fuse de tous les cotés. Mais il y a une intensité qui manque.
Car Terminator : Dark Fate a le même défaut que le troisième volet : Le Terminator adverse y est terriblement perfectionné, extraordinairement meurtrier mais rechigne à utiliser son plein potentiel au bon moment, quand il est sur le point de gagner. Dans le premier volet, le terminator incarné par Swarzenneger était un tueur qui transpirait la tension et le danger parce qu’une fois qu’il avait sa proie en vue il ne s’arrêtait pas et allait jusqu’au bout au point d’être en train de ramper sans jambes à essayer d’agripper Sarah à la fin. Il n’avait pas les capacités de ses successeurs mais il utilisait ce qu’il pouvait autant que possible. C’est justement ça qui le rendait terrifiant. Évidemment, c’est plus compliqué à inspirer quand le terminator peut se reconstituer et créer ses propres armes, même celui de Terminator 2 a eu moment de recul de ses tendances assassines. Il fallait bien prolonger le suspense et permettre de le faire vaincre. Mais le Terminator de Terminator : Dark Fate, comme celui du troisième volet, dispose d’un arsenal et de capacités qu’il régule en fonction de la situation ou de l’ennemi qu’il repousse, il laisse trop souvent le temps de s’organiser et oublie au moins un temps des aptitudes dont il abusait à d’autres moments du film. Ça donne une impression bizarre.
Tout comme dans Terminator 2, le Terminator prends l’apparence de représentants d’autorité pour s’infiltrer, récupérer des informations et s’approcher de sa cible. Mais un peu comme dans Terminator 3, il est aussi capable d’infiltrer les réseaux informatiques. Ça donne des choix étranges comme celui de révéler aux autorités quand grâce à un drone il voit les protagonistes de tenter de passer la frontière vers les Etats-Unis dans le but d’aller assassiner Dani dans un centre de détention pour migrants en se faisant passer pour un garde. Pourquoi ne pas simplement attaquer dans le désert ? Rien n’est tiré de ce contexte d’immigration illégale en dehors de la scène d’action qui a lieu là. De la même manière que même si la question de la surveillance par système électronique est évoquée, le film ne lance aucune problématique dessus ou sur le lien avec le danger de l’émergence de Légion dans le futur. C’était peut-être prévu dans un autre volet…
Qu’est-ce qu’il reste ? Peut-être les relations entre les personnages. Je ne trouve pas celle entre Dani et Grace très intéressante. Déjà, parce que Dani n’a pas droit à une évolution, comme Sarah Connor avait pu en bénéficier dans le premier volet. Globalement, Dani n’est pas réellement changée par le contact avec Grace. Elle doit se ressaisir de la violence et du danger qui lui tombe dessus mais curieusement le film prends bien soin de la montrer déjà très forte, capable et responsable dans les scènes du début et elle prend très vite des initiatives pour le groupe alors qu’elle est entourée de vétérans. Grace n’a, au-delà du sauvetage traditionnel du début, que très peu d’influence sur Dani et même sur la direction de l’aventure, étouffée aussi par les autres personnages, et ses échanges avec Dani n’ont pas de véritables conséquences. Son histoire personnelle, égrenée par quelques flashbacks ne m’a pas beaucoup marqué non plus. Ce sont justement les ‘anciens’ et la relation entre eux qui donnent selon moi un coté intéressant à toute cette dynamique sans que ce soit extraordinaire.
Le film souffre aussi de quelques contradictions, probablement pour permettre les scènes qu’il a à offrir. Il reste aussi une zone d’ombre non élucidée mais comme le contexte exact de la guerre contre Légion, il doit s’agir d’éléments qui étaient prévus pour une hypothétique suite.
Bref, Terminator : Dark Fate est à mon avis une occasion ratée de relancer les dés de la franchise. Ça reste une tentative de reproduire les meilleurs volets mais sans leur brillance et leur tension.